J’ai toujours été intéressé par l’astronomie. D’aussi loin que je puisse m’en rappeler j’ai toujours connu par cœur les neuf plan… Pardon les huit, quand je les ai apprises elles étaient neuf, planètes de notre système solaire. A 20 ans la mâchoire m’est tombée du visage en apprenant que mon camarade d’université les connaissait mal et ne pouvait me les citer dans l’ordre. Et en demandant autour de moi j’ai réalisé que le cas n’était pas isolé. Comme André Brahic j’en veux terriblement à Napoléon d’avoir séparé les sciences et la littérature, on a des étudiant(e)s en science qui sont fachés avec le théâtre et des étudiant(e)s en théâtre qui ne se souviennent même pas avoir entendu un jour dans leur vie le mot « Voie lactée ». Nous n’avons de cesse que de voir la littérature, la poésie ou l’art en général comme une chose relevant du spirituel, et de mettre la science à l’opposé comme si elle était austère et incapable d’inviter à la rêverie ou à l’imagination. Il n’y a rien de plus faux ! J’ai toujours déploré l’absence de la science dans les cours de littérature. L’astronomie, je ne l’ai croisé que dans les cours de physique. Et si je n’avais pas pris l’initiative d’entretenir mes liens avec elle, en passant mon Baccalauréat littéraire, je n’aurais plus jamais croisé sa route. Et j’ajouterais que l’espace n’a pas besoin qu’on y amène la violence et la guerre (Star Wars, Star Trek etc.) pour être absolument fascinant.
Un scientifique ne peut pas vous dire ce qui est vrai, mais il peut vous dire ce qui est faux. Je ne peux pas vous dire comment c’est créé l’univers, mais en revanche je peux vous dire comment il ne s’est pas créé
Elle est incroyable cette science, elle nous entoure. Elle est dans les médicaments que nous prenons pour faire baisser notre fièvre, dans la météo que nous regardons chaque matin, dans les consoles avec lesquelles nous jouons, dans les lunettes que nous posons sur nos nez pour voir devant nous. Et pourtant elle est méprisée, on la perçoit austère, froide, rigide et inflexible. Mais la science est changeante. Songez à toute les découvertes qu’on a fait depuis 20 ans, pour peu qu’on ne soit pas resté bloqué dans les documentaires et émissions scientifiques des années 80. C’est à nous donner le vertige. On est loin de l’obscurantisme religieux ou idéologique qui veut massacrer ou opprimer ses semblables sous prétexte de les rendre plus heureux.
André Brahic avait cet enthousiasme comme tant d’autres scientifiques dont on pense, quand on méconnait la science, qu’il n’existe pas chez des personnes qu’on imagine en blouse blanche enfermées dans un laboratoire. Ecoutez-les parler ! Ils ou elles ont dans leurs yeux, sans mauvais jeu de mot, des étoiles qui brillent quand ils parlent de ce qu’ils font, de ce qu’ils voient, de ce qu’ils découvrent, de ce qu'ils imaginent. Ces étoiles, ils nous les transmettent pour que nous imaginions et rêvions à notre tour de notre lune, de ces planètes proches ou lointaines, de ces nébuleuses, de ces exoplanètes, de ses milliards de galaxies et leurs milliards de soleils que nous ne verrons probablement jamais et qui pourtant existent, et c'est bien cela qui m'éffraie et me fascine . Ils ont cette envie profonde de nous communiquer leur savoir mais aussi de nous apprendre le doute qui est à la base du raisonnement scientifique. Ils nous donnent les outils, à nous de réfléchir avec. Je n’ai jamais vu une voyante parler d’astrologie avec une telle envie comme André Brahic le faisait de la science. Une sorte de Julien Chièze de l'astronomie.
Si je vous dis « toutes les vaches sont blanches », il vous suffira de m’en trouver une noir pour me prouver que j’ai tort. Mon raisonnement est scientifique. Si je vous dis « les vaches sont convaincues que les trains ont été inventés pour qu’elles les regardent passés », vous ne pouvez pas me prouvez que j’ai tort. Mon raisonnement n’est pas scientifique
Mes ami(e)s ont parfois le goût de ces personnes qu’on appelle youtubeurs et qui, du haut de leurs 20 ans, arrivent en restant dans leur chambre, à faire des raisonnements démagogiques qui ne sont logiques qu’en apparence. Quand on a de la chance ils ne font que démontrer que la dictature c’est trop pas bien, quand on en a moins ils révisent l’histoire et nous prouve qu’à cause du féminisme la France va tomber aux mains des terroristes. André Brahic est pour moi l’antithèse de tout cela, tout ce qu’il propageait autour de lui c’était le bonheur, le goût de la découverte et des sciences. Il avait les références, l’expérience, les connaissances et les exemples. Et pourtant je n’ai jamais vu mes ami(e)s parler de lui sur les réseaux sociaux, préférant faire la promotion de personnages à l’humour très douteux ou aux propos périmés depuis 30 ans. Cela m’embête de parler ainsi dans un texte consacré à un homme aussi drôle, gentil, généreux, passionné et au sourire éternel, mais tout cela commence à me peser.
Dans la vie quand on a un problème, ce n’est pas en restant le nez au ras des pâquerettes qu’on arrive à le résoudre, c’est en prenant de la hauteur. Comment prendre de la hauteur ? En faisant de l’astronomie. Mieux connaitre la terre c'est aller voir à l'extérieur
J’ai découvert André Brahic malheureusement trop tard. Il m’a cependant offert un cadeau merveilleux. Je n’ai aucune répartie et j’ai perdu tous les débats que j’ai menés pour défendre la recherche spatiale (et accessoirement le programme Apollo). Car il est très facile d’en dire que « ça coute de l’argent alors qu’il y a des gens qui meurent de faim ». Alors je le paraphrase un peu certes, mais qu’un passionné d’arts défende à ce point les sciences n’est déjà pas une chose banale. Il aura aussi réussi à me faire comprendre et dire que j’aime la France, petite phrase que je croyais devenu la propriété d’un parti politique d’extrême droite assez connu, mais je reviendrais là-dessus plus tard.
Trois priorités à l’exclusion de toutes les autres : La recherche, l’éducation et la culture
Bon sang mais c’est bien sûr !
J’aurais fini par écrire cet article, mais j’ai été pris de court par le temps ce 15 mai. D’aucun(e) ont perdu en 2016 leur rock star David Bowie ou Prince, moi j’ai perdu mon astrophysicien André Brahic. La nouvelle génération et les prochaines ne vont certainement pas nous envier, comme certain(e)s le pensent, les consoles 8 bits ou je ne sais quel manga, mais il se pourrait fort qu’ils se disent « quelle chance ils ont eu d’avoir connu André Brahic ».